Trop de sécurité tue la sécurité : et si c'était vrai ?
Les prises de risques ont été pour les théoriciens de la décision un champ de recherches important, qui a en particulier guidé l’État sur les politiques de réduction des risques routiers. De nombreux modèles tentent de rendre compte de relations entre le risque réel et le risque perçu au volant.
Parmi celles-ci, la théorie du risque cible, développée par Wilde dans les années 80, part de l’hypothèse que chaque individu accepte un niveau de risque - non nul - qui lui est propre, et adapte son comportement en comparant le risque qu'il perçoit à ce niveau de risque qu'il juge acceptable, appelé « le risque cible ».
L’idée est que le conducteur perçoit un certain niveau de risque, le compare en continu à celui qu’il est prêt à accepter (le risque cible), puis effectue inconsciemment une régulation : s’il perçoit un écart entre le risque cible et le risque perçu, il essaie de réduire cet écart en adaptant son comportement.
Le conducteur ne minimise pas le risque, il l’optimise à partir d’un calcul bénéfices/coûts.
Or, cette régulation s’effectue potentiellement dans les deux sens :
- Si le conducteur perçoit un risque supérieur au risque cible, cela déclenchera une régulation de prudence.
- A l’inverse, s’il perçoit un risque plus faible que celui qu’il est prêt à prendre, alors il intensifiera sa prise de risque !
Si cette théorie suscite encore des débats parmi les chercheurs, elle soulève un paradoxe : rendre une activité plus sûre pourrait entrainer une prise de risque plus importante.
Par exemple,
- si je constate que des améliorations techniques ont été apportées à ma machine...
- si on m’a équipé de nouveaux gants...
- si on m’a formé aux bonnes pratiques de sécurité à mon poste de travail...
... alors je peux imaginer que le risque s’est réduit, le risque perçu a donc diminué.
En revanche, mon risque cible n’a pas varié, la comparaison entre les avantages et les coûts de ma prise de risque reste inchangée.
Par conséquent, si j’en crois cette théorie, je vais avoir tendance à vouloir retrouver l’équilibre entre le risque perçu et le risque cible, et dans le cas présent, je vais augmenter ma prise de risque.
De là à dire que trop de sécurité tue la sécurité…
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