Lorsque les résultats sécurité se dégradent, un réflexe du préventeur ou du dirigeant est souvent de mettre en place un programme de sensibilisation aux risques pour les équipes de terrain.
Pourquoi ? Parce qu'on lui a répété et répété que pour améliorer la sécurité, il fallait travailler "sur les comportements".
Problème : sensibiliser les opérateurs aux risques n'a qu'un impact court terme et limité sur l'accidentologie. En voici quelques raisons.
1) C'est le manager de proximité qui est le phare, pas le formateur ou le consultant externe.
D'abord, si un consultant avait la recette magique permettant à chacun de toujours rester vigilant et de ne plus jamais se blesser, le brevet aurait été déposé depuis longtemps.
De plus, une fois le formateur parti, la vraie vie reprend son cours. C'est alors le manager direct qui fixe le cap, en incarnant ses propres priorités, ses valeurs, ses arbitrages. S'ils ne sont pas parfaitement alignés avec les messages entendus lors de la sensibilisation, les messages de l'expert externe, aussi brillant soit-il, seront vite rangés au placard à oublis.
Pire, c'est toute la démarche de sensibilisation qui risque de perdre en crédibilité.
2) Notre capacité d'attention est limitée, nous agissons à certains moments en "mode zombie".
Il vous est probablement déjà arrivé de vous dire en voiture :
"Tiens, je suis déjà arrivé là ? Depuis combien de temps suis-je comme ça en pilote automatique ? J'espère que je roulais sous la vitesse limite quand je suis passé devant ce maudit radar fixe !"
Notre corps est là (et il travaille) mais la tête est ailleurs.
Posons l'hypothèse que nous soyons capables de nous concentrer réellement 55 minutes par heure (hypothèse anormalement optimiste) et effectuons un calcul simple. Dans mon équipe de 20 personnes, dans une semaine normale de travail, le temps passé en mode automatique représente : 5 minutes x 8 heures x 5 jours x 20 personnes = 4000 minutes.
Mon équipe de 20 personnes , c'est chaque semaine plus de 60 heures de zombies !
Mauvaise nouvelle pour nous tous, les programmes de sensibilisation aux risques n'ont aucun effet sur les zombies.
En sécurité, les bonnes habitudes sauvent.
Pourquoi les marins sur les porte-avions font-ils tant d'exercices de simulation ? pour que le jour où le feu sera réel, ils puissent agir en mode automatique.
Lorsque vous développez un programme de sécurité au travail, recherchez à instaurer des "bonnes habitudes". Justement parce que l'accident risque de survenir quand je suis en mode zombie, c'est le travail automatique, le geste réflexe qu'on fait sans réfléchir, qui sauve.
Quand vous mettrez en place un nouvel outil de management de la prévention, veillez à ce que son objectif soit d'abord l'ancrage de bonnes pratiques, au delà de la prise de conscience que l'environnement de travail est dangereux.