Déployer en 18 mois les causeries, les visites sécurité, les minutes d'arrêt, les audits de zone et les gemba-walks garantit-il que nous réduirons sensiblement le nombre d'accidents ?

Dans les grands groupes industriels, la politique santé et sécurité est souvent dictée par la Direction HSE du siège. Celle-ci déploie un arsenal d'outils de management de la sécurité, dans un système qu'elle cherche à rendre homogène dans l'ensemble des sites. Ces outils sont ainsi plus faciles à déployer, tant en termes de formation que de monitoring.

Mais il y a un os.

Les usines ont rarement les mêmes maturités de culture sécurité, les équipes sont différentes, les historiques et les risques aussi... Alors pourquoi lorsqu'une usine tousse, toutes les usines devraient prendre les mêmes antibiotiques ?

Un accident sur un chariot élévateur à Mulhouse ? toutes les usines rempliront désormais une check-list spécifique. Vous en aviez déjà une ? Changez-la.
Un accident dans une équipe maintenance ? Tous les usines devront désormais déployer la "minute d'arrêt". Vous aviez décidé de déployer les causeries sécurité ? Changez vos plans. Ou faites les deux.

Voici quelques points de vigilance avant d'imposer un nouvel outil sécurité.

Parfois, le remède est pire que le mal quand il est administré dans la précipitation

Quelques exemples vécus :

  • Lancer des causeries sécurité sans accompagner les chefs d'équipe, qui répèteront sans conviction les messages préparés par le préventeur, et renforceront ainsi l'idée que "le chef n'y croit pas, la preuve que l'important, c'est bien de produire..."
  • Mettre en place des visites sécurité animées par des managers non formés, qui transformeront ces conversations en audits, et renforceront ainsi l'idée que l'important dans la sécurité, c'est de ne pas se faire prendre...
  • Décider sans concertation d'une règle ou d'une interdiction, en réaction à un accident, et renforçant ainsi l'idée que la sécurité est une contrainte qui nous empêche de faire notre travail...
  • Lancer des LMRA sans donner du sens à la démarche, et sans même expliquer la signification de cet acronyme anglosaxon, incitant ainsi les utilisateurs à remplir du papier pour faire plaisir au chef...

L'appropriation par les équipes locale est une clé du succès

E = Q x A²

Dans cette formule que j'affectionne, l'Efficacité de l'outil est le produit de sa Qualité intrinsèque par le carré de l'Appropriation de cet outil par les équipes.

Autrement dit, pour une démarche efficace, travaillez 10 fois plus l'appropriation que la qualité. Privilégiez la solution choisie localement, car les équipes y mettront davantage de cœur, d'enthousiasme et de conviction, bref, de motivation !

L'accumulation des outils imposés est un cercle vicieux

La succession d'outils imposés va petit à petit renforcer l'idée que la sécurité est "une contrainte qui m'empêche de faire mon vrai travail", et va insidieusement réduire le niveau d'énergie alloué par les équipes à la sécurité.

Résultats ? les résultats ne progressent pas.

Conséquence ? on ajoute un nouvel outil, bien sûr  !

Le cercle vicieux des outils de management de la sécurité

Heureusement, ce n'est pas une fatalité

Certains groupes industriels font le pari de responsabiliser les sites localement.

Les équipes HSE du siège se positionnent en facilitateurs pour aider les sites à réaliser leur auto-diagnostic, à aligner le codir de chaque site sur les enjeux et à arbitrer parmi les priorités pour rédiger une feuille de route "locale".

Cela nécessite un certain courage et une grande confiance dans la capacité des sites à faire les bons choix et déployer le bon niveau d'énergie sur les feuilles de route, mais je reste convaincu que c'est la bonne solution.

Cette liberté de choix oblige aussi l'équipe locale : si elle ne délivre pas le plan promis, le retour aux solutions imposées redeviendra rapidement la norme...

Cet article vous a été utile ?

D'autres articles ici et plus d'information sur tispego.com