Histoire courte

Imaginez une entreprise qui emploie quelques dizaines d'artisans gérant à travers la France des chantiers chez les particuliers.

Ces artisans, des professionnels reconnus dans leur métier, tâchent de satisfaire les clients dans des plannings et des budgets serrés : à peine un chantier se termine-t-il qu'il faut en démarrer un autre.

Sur ces chantiers, les artisans travaillent seuls ou à deux ; les accidents avec arrêt sont fréquents, mais jamais très graves...

... jusqu'au jour où un accident beaucoup plus sérieux amène le dirigeant devant les tribunaux.

Electro-choc.

En échangeant avec ses trois directeurs régionaux, et en visitant quelques chantiers, le dirigeant se rend compte

  • que la fréquence des accidents est très supérieure à la moyenne de son secteur,
  • que certains auraient pu être extrêmement graves si on avait pas eu "une bonne étoile",
  • que certains collaborateurs prennent des risques sécurité inconsidérés pour garantir la rentabilité d'un chantier.

Il prend alors conscience qu'il se trouve au tout début d'une longue - et néanmoins absolument nécessaire - aventure de transformation de la culture sécurité de son entreprise (lire notre article qui décrit les différentes étapes de maturité).

Mais par où commencer ?

Quels sont les pièges à éviter à ce stade ?

Ne pas se contenter de ce que demande le Code du Travail

Bien sûr que l'avocat du dirigeant va lui rappeler (ou lui expliquer) les "obligations de l'employeur" et les "principes généraux de la prévention" édictés dans le Code du Travail et sa fameuse loi L4121.

Bien sûr qu'il va falloir vérifier la pertinence et la solidité du système de management de la prévention au sein de l'entreprise.

Mais à ce stade de maturité, combler ces lacunes sera une tâche essentiellement documentaire, certes essentielle, mais qui ne suffira pas à faire de la sécurité une valeur partagée.

Ne pas se ruer sur les solutions techniques

L'accident est arrivé en utilisant une barre à mine ? j'interdis les barres à mine. C'est une coupure sévère au cutter ? j'impose un cutter à lame rétractable.

Le problème est que dans ces deux cas, rien ne garantit que la nouvelle règle sera respectée. Pire, dans les deux cas, la décision sera vécue comme une contrainte supplémentaire imposée par quelqu'un "qui ne connait pas les réalités de notre métier".

Eviter les copier-coller

La tentation est grande d'aller voir chez les voisins quels outils de prévention, quelles routines managériales ont été mis en place.

D'abord, ce qui marche ailleurs ne fonctionnera pas forcément chez vous (relisez à ce sujet notre article sur le sujet),

mais surtout, à ce stade de maturité (à gauche dans la courbe), mettre en place des "outils" n'est pas forcément la priorité...

les étapes de maturité de la culture sécurité

Mais alors, que faire ?

Evidemment, vous n'avez pas d'autre choix que d'allouer des ressources pour être conforme aux exigences du Code du Travail. Faîtes-le. Mais en gardant à l'esprit que cela ne suffira pas pour faire de la sécurité une valeur partagée au sein des équipes ou sur les chantiers.

En parallèle, démontrez de toutes les façons possible que la sécurité est un sujet très important pour vous.

Pourquoi ? parce que ce qui est important pour mon chef devient important pour moi.

Aujourd'hui, qu'ont en tête les artisans quand ils travaillent sur un chantier ? De quoi sont-ils fiers ? Sur quels sujets reçoivent-ils du feedback positif ou négatif ? A quoi juge-t-on leur performance ? Sur quels sujets leur hiérarchie communique-t-elle avec le plus de conviction et d'enthousiasme ?

Dans l'histoire qui illustre ce post, il est probable que les préoccupations de l'artisan sont de terminer le chantier à temps, que sa performance est jugée sur le respect du budget et/ou la satisfaction du client, et que les feedbacks qu'il reçoit le sont sur les même sujets.

De même, à quand remonte la dernière fois qu'un "chef" a pris des nouvelles de celui qui s'est blessé ? Quand un directeur régional a-t-il participé à l'analyse d'un accident, voire a proposé son aide pour faire avancer un sujet sécurité ? Parle-t-on de sécurité et de conditions de travail dans la dernière communication aux équipes ou dans le plan à trois ans communiqué par la Direction ?

En tant que dirigeant, membre d'un codir, manager, votre priorité à ce stade de la maturité est de faire en sorte que la Sécurité devienne un sujet dont on parle à toute occasion, y compris à la machine à café.

Démontrez que le sujet est important pour vous, quelque soit la manière. Toutes les occasions sont bonnes.

Quelques exemples de bonnes pratiques

Demandez à être en copie de chaque déclaration d'accident, demandez des nouvelles des personnes qui se sont blessées pour démontrer que leur sécurité est votre première préoccupation.

Commencez vos rituels par un point sécurité, ne serait-ce que par le partage d'information sur les derniers évènements.

Intéressez-vous à l'avancée des plans d'actions sécurité, proposez votre aide sur les points bloquants.

Fixez comme objectif à vos managers que 100% des équipes soient au courant du dernier accident en date a minima dans les 48 heures. Et vérifiez par vous-même sur le terrain.

N'oubliez pas :

Ce qui est important pour mon chef devient important pour moi.

Cet article vous a été utile ?

D'autres articles ici et plus d'information sur tispego.com