A la fin des années 80, des économistes ont mis en évidence un penchant naturel de l’être humain qu’ils ont appelé « la malédiction du savoir ». C’est un biais cognitif qui survient lorsqu'une personne, communiquant avec d'autres personnes, suppose inconsciemment que les autres disposent des mêmes connaissances pour comprendre. Ce biais, dont la puissance augmente avec le niveau d’expertise, empêche souvent les experts de se mettre au niveau de leurs interlocuteurs et donc de communiquer leurs idées de façon simple.

Dans nos industries, cette malédiction du savoir devient problématique lorsqu’elle frappe des experts HSE qui rédigent des documents censés informer les collaborateurs quant à la façon de travailler en toute sécurité.

J’ai souvent découvert au fil de mes diagnostics des documents sécurité difficilement exploitables :

·       des consignes de travail en sécurité pleines de pictogrammes et riches d’un vocabulaire métier incompréhensible pour un débutant, rassemblés dans d’énormes classeurs que les jeunes intérimaires parcourent rapidement avant d’intégrer leur équipe, sans avoir osé dire qu’ils n’y ont rien compris…

·       un livret d’accueil de 30 pages qui mélange des informations sécurité avec les valeurs de l’entreprise, des extraits du règlement intérieur et des bonnes pratiques environnementales, et qu’un chauffeur estonien signe les yeux fermés pour avoir le droit de charger sa marchandise…

·       un flash sécurité qu’un chef d’équipe lit à une équipe qui baille à l’écoute du sixième « message important » que le flash est sensé communiquer…

Alors, que faire pour lutter contre la malédiction du savoir ?

1.    Prendre conscience que nous sommes tous les victimes de cette malédiction du savoir. Tous, donc vous aussi.

2.    Décider pour chaque document quel est l’objectif principal, avant même d’en débuter la rédaction, tout comme le fait un formateur quand il définit l’objectif pédagogique d’une formation.

3.    Enfin, purger, simplifier, supprimer, alléger. Et cent fois sur le métier remettre son ouvrage… en gardant à l’esprit la phrase de Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »

Dans « Les bronzés font du ski », le pauvre Gilbert ose demander une crêpe au sucre avec une bière. Malheureux ! chez Gigi, on ne sert pas des crêpes, mais "de fines couches de sarrasin, saisies dessus dessous, parfumées de pétales de rose tièdes"…
Alors, jetez un œil sur vos consignes de travail en sécurité et vos livrets d’accueil. Ces documents ressemblent à des crêpes Gigi ? alors attention, vous êtes peut-être tombés dans le piège de la malédiction du savoir...

Pour en savoir plus sur la malédiction du savoir

En 1990, Elizabeth Newton, étudiante en psychologie à l'université de Stanford, mène une expérience afin d'illustrer la malédiction du savoir. Elle demande à un groupe de sujets de tapoter des chansons bien connues avec leurs doigts (happy birthday, l’hymne national américain, etc…), tandis que les sujets d'un autre groupe essaient de deviner ces mélodies. Quand les « tapoteurs » ont été invités à prévoir combien de chansons seraient reconnues par les auditeurs, ils ont toujours très largement surestimé le résultat : les « tapoteurs » disposaient d’un savoir (le titre de la chanson) et se sont montrés incapables d’imaginer ce que c’était que de ne pas en disposer.

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